Les communautés autochtones du Canada n'ont pas plus de risque d'inondation qu'ailleurs au pays, mais si l’on ajoute à l’équation l’indice de vulnérabilité sociale, le portrait est tout autre. C’est ce que relève une étude de l’Université de Waterloo publiée dans l'International Journal of Disaster Risk Science.
Selon les données des chercheurs ontariens, 14,8 % des Autochtones vivant en communauté risquent de subir une inondation à récurrence de 100 ans (c'est-à-dire une inondation majeure), contre 14,7 % des Canadiens. Par contre, les communautés autochtones sont souvent plus vulnérables économiquement et socialement parlant, ce qui les rend moins à même de faire face à ce type d'événement et à ses conséquences. En effet, en incorporant à l’équation 49 facteurs de vulnérabilité sociale (familles monoparentales, nombre d’enfants et d’aînés, connaissance des langues officielles, revenus, état du logement, etc.), l’étude montre que sur les 41 zones les plus vulnérables du Canada (risque élevé ou très élevé), 40 sont situées dans des communautés autochtones. La seule exception étant le village de Carmacks, au Yukon.
Quand on parle d’une communauté autochtone durement éprouvée par une inondation et les conséquences qui en résultent, le cas des Pieds-Noirs de Siksika, à 87 kilomètres de Calgary, vient rapidement en tête de liste. Au moment de l'étude en 2019, soit 6,5 ans après les inondations qui ont endommagé 171 maisons et déplacé 1 000 personnes de la communauté, le rétablissement n'était toujours pas terminé, ont noté les chercheuses autochtones Darlene Yellow Old Woman-Munro, Lilia Yumagulova et Emily Dicken, co-auteures de l’étude de cas "Unnatural Disasters" (Catastrophes non naturelles). Publiée à l'été 2021 par l'Institut canadien pour des choix climatiques, l'étude souligne que l'intervention en cas de catastrophe et la planification d'urgence peuvent aider à réduire les dommages et à favoriser la guérison, et ainsi éviter d'aggraver les vulnérabilités et les inégalités. C'est justement ce type de conséquences qu'ont subies des sinistrés en Alberta. "Entrevue après entrevue, nous avons entendu des gens nous parler de traumatismes répétés, de peur de l’inconnu, d’un grand stress de devoir tout remballer pour déménager, du sentiment de perte associé à chaque déménagement, de dépression, de tristesse et de perturbations de la vie professionnelle (et donc de perte de revenus) durant le déplacement." Certaines observations des chercheuses autochtones rejoignent indirectement celles des chercheurs ontariens. Les décideurs politiques doivent tenir compte des facteurs de vulnérabilité socio-économique dans la conception des stratégies de gestion face aux risques d'inondation, mentionne l’étude dirigée par Liton Chakraborty, chercheur à l’Université de Waterloo. Il s’agit d’une étape essentielle vers une allocation efficace et efficiente des ressources, qui garantira la mise en œuvre des mesures d'atténuation des inondations là où elles sont le plus nécessaires. Si les réserves les plus vulnérables sont réparties dans la plupart des provinces et territoires, plus de la moitié d'entre elles sont concentrées en Colombie-Britannique (13 cas sur 41) et en Ontario (10). Au Québec, c’est la communauté innue d’Ekuanitshit (Mingan) qui serait la plus exposée.
L'étude souligne par ailleurs que les principaux modèles de cartographie des crues au Canada sont basés sur des données passées qui n'intègrent pas les projections futures liées aux changements climatiques.
La communauté de Shackan, en Colombie-Britannique, a été particulièrement touchée par les inondations de novembre 2021. Photo Keith Fransson / Urban Systems / Shackan First Nation
Mathias Marchal – Radio-Canada